C’est en 1998 que Bernard Luchs et son épouse Katia rachètent une première moitié des parts de la PME dont ils ont déjà commencé à réorienter l’activité vers d’autres filières de distribution. La reprise se poursuit l’année suivante : le couple devient ainsi propriétaire de 100% du capital de Horeca Partner en 1999. Les efforts vont alors se concentrent sur le redressement de l’entreprise. On ne touche pas à la gamme de produits : il s’agit d’un assortiment de pizzas et de plats cuisinés à base de pâtes que complètent des boudins artisanaux. Tout est frais et vendu sous vide. La qualité et la présentation sont excellentes. Le problème, ce sont les clients. La PME écoule 60% de sa fabrication dans les tavernes, brasseries, snacks. C’est un euphémisme de dire que le secteur est difficile : les paiements ne suivent pas, la rotation est faible. Bernard Luchs décide d’en sortir.
De « Horeca Partner » à « l’Artisane »
L’objectif, c’est de gagner des parts de marché dans la distribution. En 99, l’entreprise n’y compte encore que deux références : le groupe Mestdagh Champion lui a ouvert ses portes. Un tremplin pour une gamme de produits dont on ne changera rien aux recettes de base. Delhaize a aussi agréé l’Artisane pour livrer en direct ses supérettes AD. D’autres enseignes vont alors emboîter le pas : c’est ainsi qu’après les affiliés de GB, la marque apparaît dans les rayons des Louis Delhaize Traiteur. Plus tard, il y aura les Spar, Colruyt, Carrefour, Match, Intermarché…. En Belgique, le producteur s’impose comme le plus représenté en pizzas au niveau du nombre d’enseignes. Ce produit phare représente d’ailleurs 70% de ses ventes, réalisées à 90% en label propre. En six ans, le chiffre d’affaire est passé de 0,9 à 5,5 millions d’euros. Le personnel a quadruplé si bien qu’en 2005, la PME occupe 45 travailleurs. Avec l’évolution des normes de qualité et d’hygiène, les entrepreneurs vont devoir adapter le process. Face à l’impossibilité de transformer l’ancien siège de Châtelet, ils retiennent l’option de construire un nouveau bâtiment sur le parc d’activités de Courcelles.
Fournisseur de la distribution
Le projet ne mettra pas un an à aboutir, dans le cadre du Phasing Out de l’Objectif 1. En octobre 2003, grâce à l’aide de la SRIW et d’un prêt subordonné de Sambrinvest, l’Artisane inaugure une usine de 2200 mètres carrés avec des chaînes automatisées et un bloc administratif. Elle alimente essentiellement des centrales de distribution et pour 10% des grossistes. La flexibilité définit le travail en atelier, dont l’organisation est complexe en raison des volumes d’emballages. Le département tourne ainsi sur deux pauses. En dehors des boudins, la « carte « de l’Artisane compte une quinzaine de pizzas et six plats cuisinés, entièrement préparés sur place : précuisson, préparation des sauces, refroidissement et conditionnement.
Depuis 2004, le chiffre d’affaires n’est plus exclusivement réalisé en Belgique : la PME exporte en France, au Luxembourg, au Portugal et en Finlande. Une expérience commerciale a été tentée aussi aux Pays-Bas : on a renoncé à la poursuivre, indique le general manager. L’entreprise se concentre aujourd’hui sur son créneau, sans chercher de diversification. Celle-ci pourrait éventuellement venir plus tard.
Bernard Luchs
Gradué en marketing de l’European open school (Bruxelles), Bernard Luchs vit sa première expérience du commerce dans le secteur textile, avant de créer en 91 une PME de consultance en recrutement de personnel avec un ami psychologue : Arketype consulting opère à Charleroi. C’est là que Bernard Luchs entre en contact avec le fondateur de Horeca Partner, à la recherche d’un commercial pour la distribution de ses produits sur Bruxelles et le Brabant wallon. En 97, sans connaître quoique ce soit à l’agroalimentaire, il décide de tenter l’aventure. Elle sera concluante avec la signature des premiers accords de distribution chez Mestdagh-Champion. L’épouse de Bernard le rejoint dans l’activité. Coactionnaires de l’Artisane, les conjoints s’en partagent les fonctions de direction : architecte d’intérieur de formation, Katia s’occupe de la création des nouveaux produits, de la gestion du personnel et de la supervision de la comptabilité. Bernard se partage entre le management des achats et des grands comptes. Il supervise les finances, la production et la qualité, au cœur du projet industriel. Le couple est très important dans notre PME, dit-il. Toutes les décisions stratégiques sont prises à deux.
Expérience d'entrepreneurs en 4 questions et réponses
. Quelle idée nouvelle est à la base de la création de votre entreprise ?
Il s’agit plutôt d’une opportunité dans notre cas : nous pouvions reprendre une PME en situation difficile pour la faire évoluer. Nous avons saisi l’occasion. A la base, il y avait bien sûr une envie d’entreprendre. J’avais néanmoins besoin de sentir le produit : la gamme de Horeca Partner offrait des perspectives, dans un secteur qui demande de la créativité. Les produits nous convenaient parfaitement. Notre travail a consisté à changer de politique de distribution.
. Quelle est la plus grande difficulté que vous ayez rencontrée pour créer ou développer votre entreprise ?
Durant les deux premières années de l’acquisition, il a fallu redresser un bilan où la trésorerie était à plat. Financièrement, le démarrage a été difficile. Nous avons aussi du convaincre des acheteurs de chaînes d’introduire nos produits dans leur assortiment. Au présent, la difficulté est de maintenir la rentabilité minimale avec toutes les exigences des distributeurs, cela dans un contexte où les producteurs doivent toujours consacrer plus de moyens à l’optimalisation de la qualité.
. Quelle est la plus grande joie ou satisfaction que vous a procuré votre entreprise et –si c’est le cas- pourquoi n’auriez vous pas pu vivre la même chose en tant qu’employé ?
La première satisfaction que nous apporte l’entreprise, c’est une entière liberté de décider et d’agir : nous assumons la responsabilités de nos choix et de nos politiques. Il y a aussi celle d’avoir contribué au développement de l’emploi : 45 familles vivent de l’Artisane, nous avons mis en place des équipes durables, c’est une véritable fierté dans une région où le taux de chômage reste tellement élevé. Il y a enfin l’épanouissement qu’offre la fonction dans un secteur en pleine croissance.
. Quel petit « truc » proposeriez-vous à un jeune entrepreneur ?
De mettre en œuvre une formule qui m’a toujours réussi pour déterminer la viabilité d’un projet, l’évaluer. J’estime en effet qu’il n’y a pas de meilleure étude de marché possible que de se mettre soi-même à l’écoute des besoins en prenant son bâton de pèlerin et en poussant des portes. C'est-à -dire en allant collecter soi-même directement l’information pour sentir son projet, le confronter aux regards des autres, aux critiques. On a parfois tendance à se laisser aveugler par son enthousiasme : interroger le marché, c’est avoir l’audace de remettre en question ce que l’on a pensé. D’autre part, il faut aussi accepter de prendre des risques dans le métier d’entrepreneur. Le succès est impossible sans cela.


















