C’est en 1990 qu’apparaît l’entreprise. Jean-Christophe Sprimont et Pierre Jenard ne lui donnent pas seulement le nom de Twin –jumeaux en Anglais – en raison de la complémentarité de leurs compétences en informatique et ingénierie électronique, mais parce que c’est ainsi qu’ils ont été baptisés par leurs collègues dans la filiale de micro-électronique des ACEC que vient d’absorber Alcatel. Leur goût du défi et leur culture du hi-tech les a poussé à fonder leur bureau d’études. Le contrat qu’ils décrochent chez SAIT ne leur permet pas encore d’en vivre à temps plein : c’est ainsi qu’il leur faut compléter l’activité par un job salarié qu’ils convertiront en prestations de sous-traitance deux ans plus tard, quand la Région wallonne leur confiera le développement d’un éditeur vidéotexte. Ce coup de pouce, sous la forme d’un contrat d’avance récupérable, est aussi un coup d’accélérateur : la coopérative se transforme alors en société anonyme.
De l’horeca au nucléaire
Si Pierre et Jean-Christophe ont conçu un premier modèle de terminal de saisie de données à radiofréquence adapté au secteur horeca, leur « RDT 100 » va connaître plusieurs évolutions jusqu’à la fin de la décennie où s’achève la mise au point de leur « circus » qui combine à sa technologie avancée l’atout d’un beau design. Pour offrir un service complet aux gestionnaires de brasseries et restaurants, Twin va développer en collaboration avec ESA, une autre PME du centre Heraclès, un logiciel de traitement des commandes horeca (envoi des ordres en cuisine, au bar, à la caisse, gestion des stocks). Progressivement, un réseau se met en place pour la distribution de « Chablis » : le succès commercial va donner à la PME le goût de la vente de produits propres, qui représente en 2003 40% de son chiffre d’affaires. Elle opère dans trois axes : à côté de l’horeca (terminaux, multiplexeurs d’imprimantes), l’entreprise a conçu une gamme de cartes processeurs (CPU) qu’elle fournit à des clients industriels. La SNCB les utilise dans des applications de supervision, l’IRE pour des mesures de radioactivité en rivière et en mer. Chaque modèle peut être customisé. Il y a enfin, depuis 2003, le système de navigation pour motards « Tripy », qui utilise la même technologie que le GPS mais selon le principe du road book, pour des balades touristiques.
Un service adapté aux besoins
L’engineering reste l’activité dominante de Twin. D’une part, la société propose un véritable service de manpower qui s’adresse aux grands comptes. Son personnel est ainsi mis à la disposition de groupes comme Alcatel, Siemens, ADB, Microsoft, les ingénieurs s’intègrent dans des équipes pour participer à des projets de recherche et développement. Le leitmotiv de la PME, c’est de rester à la pointe de l’évolution technologique : ses compétences sont appréciées dans le domaine spatial et les télécommunications, ce qui lui a valu de concevoir des circuits embarqués pour des satellites commerciaux. Pour le compte d’ADB (spécialiste dans l’éclairage de scènes), elle a conçu un nouveau modèle de table de mixage de lumières. Le second créneau du bureau d’études et de production, c’est la recherche et la mise au point de systèmes et d’applications d’électronique embarquée. De l’élaboration du cahier des charges au design, elle a mis au point le « dyn@park » (horodateur portable) ainsi qu’un système de relevé de compteurs d’eau par radio.
Jean-Christophe Sprimont et Pierre Jenard
Ils cultivent le goût de l’excellence et du défi. Avec de convaincants résultats. Leur objectif n’est pourtant pas de poursuivre indéfiniment l’expansion de leur boîte dont le chiffre d’affaires évolue de façon continue de 25 à 30% par an depuis la création. « Nous avons atteint une taille qui nous convient », indiquent-ils -sept emplois à temps plein. « Nous voulons à présent nous offrir les moyens de choisir les projets que nous développons –haut de gamme pour assurer le renom technologique de Twin- pour nous concentrer sur la commercialisation de nos produits. » Le ton est donné. Après un long bail au centre d’entreprise Héraclès à la caserne Tresignies, la PME a acquis un bâtiment à Gosselies, le long de la N5 face à Caterpillar. Une nouvelle étape dans la construction d’un projet que les jumeaux –Pierre chargé de la technique et Jean-Christophe du commercial et du management- ont toujours géré avec intelligence.
Expériences d'Entrepreneurs en 4 questions et réponses.
. Quelle idée nouvelle est à la base de la création de votre entreprise ?
Il s’agit moins d’une idée que d’un appétit d’indépendance, d’un besoin. Celui de développer à notre compte nos concepts, nos projets, notre technologie. Pour vivre pleinement ce choix, nous avons renoncé au confort d’un emploi au service d’un grand groupe. Nous partions à zéro : sans produits, sans clients. Notre seul capital, c’était le know-how acquis durant notre carrière. Nous avons installé notre bureau d’études, une activité qui représente toujours dix ans après la création 60% du chiffre d’affaires de Twin.
. Quelle est la plus grande difficulté que vous ayez rencontrée pour créer ou développer votre entreprise ?
Engager le premier employé. Quand vous êtes seuls, vous n’avez de responsabilités sociales et financières qu’envers vous-mêmes. Vous pouvez vous permettre de faire le gros dos dans l’attente d’un paiement ou de la conclusion d’une affaire. Ce n’est plus vrai lorsqu’il y a des salaires et de –trop- lourdes charges à payer. Par ailleurs, une entreprise qui débute n’a aucune crédibilité technique ni financière. En l’absence de référence et de bilans, il lui est difficile de gagner la confiance de clients ou de banques. Nous avons du aussi faire ce chemin-là . C’est seulement après dix ans que nous nous sentons à l’aise.
. Quelle est la plus grande joie ou satisfaction que vous a procuré votre entreprise et –si c’est le cas- pourquoi n’auriez vous pas pu vivre la même chose en tant qu’employé ?
L’indépendance. Pouvoir choisir soi-même les projets technologiques que l’on développe, les clients avec lesquels on travaille et la composition de son équipe de collaborateurs. Le pouvoir de décider de ce que l’on fait, comment et avec qui. Chez Twin, nous avons peu de « projets tartines », c'est-à -dire alimentaires. Nous avons la chance de développer des choses intéressantes. Nous sommes en croissance depuis la création. Nous tirons aussi satisfaction de voir ce que nous avons construit en quelques années…
. Quel petit « truc » proposeriez-vous à un jeune entrepreneur ?
D’abord, de prendre suffisamment d’expérience avant de s’installer. Dans les métiers techniques et technologiques, il est indispensable de bourlinguer entre cinq et dix ans pour acquérir du back-ground, des relations et une certaine expérience du business. D’autant que l’on doit admettre que l’on ne connaît pas grand-chose à la sortie de l’école. Ensuite, il nous semble essentiel de ne pas se disperser. En se concentrant sur un segment de marché, l’entreprise converge sur une image bien claire et bien ciblée. Offrir trop de produits ou de services, c’est mauvais. Il faut se choisir un créneau afin de se présenter comme en étant le spécialiste.


















